Non non il est génial, mais…
Quand on rencontre Yves Tumor pour la première fois, on ressent un peu la même chose que lorsqu’on a 13 ans et qu’on regarde Mulholland Drive sur les conseils de son grand frère, c’est à dire un truc du genre : « Wow, ah ouais, j’avoue, c’est beau… (Puis à voix basse) par contre j’ai rien compris. » Avant ce troisième album Safe In The Hands of Love – Le Drone le décrivait bien – on ne savait pas trop quoi faire de cet artiste ; parce qu’inclassable, d’abord, mais ça c’est un truc de salaud de journaliste, en fin de compte les cases tout ça, on s’en fout. Non, c’était surtout parce qu’on se méfiait un peu si le mec faisait de l’art, du vrai, ou nous enfumait en jetant sur le mur tout ce qu’il lui passait sous la main en espérant que ce qui y resterait collé serait beau. Bon allez, on le fout dans « expérimental » et on attend que la crise d’adolescence soit passée. Puis Warp – le label qui vient immédiatement à l’esprit depuis plus de 25 ans dès le mot « electro » sorti – lui tombe dessus et là on se dit qu’il va se passer quelque chose. Et c’est le cas, même Pitchfork le confirme avec une note un peu trop optimiste de 9.1 sur 10.
Le mec a mis de l’ordre dans ses samples et ses textures mais a surtout mâtiné d’une jolie pop tout un délire bruitiste à rendre jaloux Nicolas Jaar. « Noid », le premier single, peut clairement passer à la radio, il peut clairement plaire à tes parents, même s’ils te demanderont de baisser un peu vers la fin, au moment où les âmes damnées du fond de l’enfer viennent envahir la jolie mélodie toute mimi. Et c’est pour ça que c’est la meilleure partie de ce morceau, c’est pour ça que c’est le morceau le plus intéressant de l’album aussi d’ailleurs, parce qu’on peut y lire l’histoire du virus des sous-genres musicaux obscurs qui infecte la candeur de la pop, ou, d’une manière plus sentimentale, la métaphore de la dépression. Donc oui, dans ce disque on trouve vraiment matière à se régaler tout en ayant l’impression d’être plus intelligent. Dans ce sens, j’ai beaucoup aimé la première phrase de cette dite chronique de Pitchfork, qui dit : « On peut vouloir être célèbre mais ne pas vouloir être défini comme tel. » Voilà qui résume joliment l’intention derrière l’action de mélanger musique expérimentale et pop.
Mais quand même, j’ai eu beau l’écouter trois ou quatre fois, au bout du compte il ne me reste pas grand chose de plus à l’esprit qu’un nuage de fumée opaque dans lequel je me revoie lointainement taper du pied, simplement parce que je n’ai jamais réussi à rentrer dedans. Et ce n’est pas faute de ne pas y avoir mis du mien. Case « vaporwave », donc ?
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Retrouvez cette chronique dans l’émission du 23/09/18 sur Radio Néo
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