Et vous imaginez bien que ça ne ressemble pas au dernier Mylène Farmer.
Dès les premières secondes, on sait qu’on va écouter quelque chose de bien, quelque chose de cool. On a ce groove de batterie qui prend directement à la nuque, une caisse claire et des synthés qui sentent la new wave et l’EBM, un chant hanté et des guitares qui donnent envie de ressortir son perfecto clouté. Puis on regarde un peu à quoi ressemble Luca Venezia, qui n’est pas du tout Italien mais New-Yorkais actuellement basé à Berlin, et on se dit « ouais, c’est vraiment un truc de bonhomme son disque », avec ses tatouages et ses cheveux gominés. Je me fais la reflexion que ça pourrait donner envie aux jeunes d’aujourd’hui d’écouter un peu de ce truc ringard là, comment ça s’appelle déjà ? Ah oui, le rock.
C’est drôle, il n’y a pas si longtemps encore, quand le rock était la norme, pour que ton groupe soit cool, tu embauchais un pingouin avec un synthé et hop tu passais en rotation lourde sur Virgin. Curses, lui, il a fait l’inverse, parce qu’il y a un peu plus de 10 ans il sortait son premier maxi sur Institubes, feu le label de Teki Latex, de Para One, Surkin ou Bobmo. Une electro plus « turbine » comme on disait en 2007. Puis il a pris son temps, laissé maturer son son dans un écrin berlinois, a poncé les disques de DAF, Kraftwerk et les DJ sets de Helena Hauff puis il a croisé la route de Jennifer Cardini et de son label Dischi Autunno, la papesse française de ce genre hybride entre l’électronique et le rock. Résultat ? Un disque impeccable, classe, salement propre, éclectique mais cohérent, et aussi dansant qu’il s’écoute à la maison avec un verre de Brandy ou tout le long d’un road-trip à travers la Bavière. Ça me donne envie de me faire un nouveau tatouage tout ça.
Retrouvez cette chronique dans l’émission « Chaos sur le ring » de Radio Néo, à 4 min 30
INTERVIEW
Tu es passé d’Institubes à Dischi Autunno en passant par Bordello a Parigi ; de tempos rapides à des rythmes lancinants ; de bruits électroniques à des guitares saturées ; de « Curses! » à « Curses« . Entre les deux, onze ans se sont écoulés. Ce changement de direction est-il dû à un événement particulier, à un déclic, ou est-ce que ce serait ça grandir ?
Mon truc c’est de bosser avec des gens avec qui je m’entends à un niveau personnel. Peu importe leur position sur les différentes scènes, pour moi ils partagent tous la même attitude, la même approche DIY/punk de la musique électronique que moi… Probablement parce que nous avons ce même background musical, qu’on a grandi avec du punk et du rap underground. C’est Institubes, en me prenant sous son aile qui m’a initié à tous ces trucs de DJing et c’était très inspirant, avec toute cette hype autour de la scène française à l’époque. Mais tout s’est passé si vite, j’étais jeune et je cherchais encore mon son. Aujourd’hui, bien que je sente que je me sois rapproché de ma véritable personnalité musicale, je sais que je ne cesserai jamais d’évoluer.
« Il a fallu que je passe par tous ces chemins différents pour trouver celui dans lequel je me sens aujourd’hui accompli en tant qu’artiste. »
Romantic Fiction est ton premier album après plus de onze ans de production. Pourquoi avoir attendu tout ce temps ?
Quand j’ai commencé ce projet, je n’étais pas prêt pour un album. C’est en revenant à Berlin que les choses se sont faites assez naturellement. Sans que je le remarque, les années ont passé. C’est drôle ou effrayant ? Je ne sais pas, mais c’est étrange. Parfois j’ai l’impression que c’était hier que je sortais mes premiers disques sur Institubes.
Cette direction plus « pop », plus « song music » que tu as prise avec cet album, c’était un objectif que tu t’étais fixé ou quelque chose qui est venue avec le temps ?
Avant de me mettre aux platines, j’ai toujours eu des groupes. Chanter ou jouer des instruments a toujours été ma façon de faire de la musique. Les gens me disaient que je faisais des « chansons » plus que des « tracks de DJs »… Je ne sais pas, peut-être que j’embrasse finalement cette critique d’une façon positive !
Avec ce disque, on a l’impression que tu as trouvé ce que tu cherchais toute ta carrière. On sent une certaine poigne, une aisance dans la production, une prise de plaisir à mélanger, expérimenter rock et électronique, song music et club music, mais que tu le fais avec beaucoup de sérieux.
Certains artistes trouvent leur son immédiatement et d’autres mettent plus de temps. Je pense qu’il a fallu que je passe par tous ces chemins différents pour trouver celui dans lequel je me sens aujourd’hui accompli en tant qu’artiste.
De New York, tu as déménagé à Berlin. Qu’est-ce qu’il manquait à ta ville de naissance que Berlin possède ?
Compte tenu que j’ai grandi à New York, cette ville fera toujours partie de moi. Mais pendant un moment, j’y vivais trop confortablement – artistiquement parlant. J’avais besoin de challenge. Berlin me l’a offert, en même temps qu’un rythme de vie plus calme par rapport à l’anxiogénéité de Manhattan. Berlin correspond à l’état d’esprit musical et personnel dans lequel je suis actuellement.
Comment s’est faite ta rencontre avec Jennifer Cardini ? A-t-elle eu une influence sur l’envie de faire cet album ?
J’avais un corpus de morceaux que je considérais comme terminés et je cherchais à les sortir sur un label. Jennifer et moi avions des amis communs mais on ne s’était encore jamais croisé. Nous avons emménagés à Berlin à peu près au même moment et un ami a fini par nous présenter. On s’est découvert des goûts mutuels en bouffe, musique, sape, humour… On s’est tout de suite bien entendu. Jennifer a joué un grand rôle dans l’ornement de ces morceaux initiaux pour les mouler dans un album, et m’a même inspiré à en créer des nouveaux.
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