Alors c’est ça la perfection ?
Mais jusqu’où va aller Objekt ? C’est vrai, à chaque nouvelle sortie on le croit au sommet de son style – chacune laissant une puissante empreinte sur la scène techno underground – puis finalement on consent à dire qu’il a bel et bien fait mieux que la précédente. Depuis ses débuts en 2011, le Britannique exilé à Berlin ne pave son parcours que de rares pierres mais invariablement précieuses. Quelques remixes, une poignée de maxi en white label ou chez Hessle Audio (Ben UFO, Pangaea, Pearson Sound), ainsi qu’un premier album introspectif sur la maison berlinoise PAN en 2014 (Lee Gamble, Beneath…) ont parfait les contours de cet incontestable génie de la musique électronique. En six ans, cet ancien ingénieur de l’entreprise de technologie musicale Native Instrument (il y développait des algorithmes de traitement du signal sonore) semble s’être essayé à tous les rythmes, à tous les tempi, naviguant avec maestria entre 2-step, dubstep, techno, drone, IDM ou ambient. Ses constantes ? Une exceptionnelle maîtrise technique qui sert ses bizarreries électroniques – sans oublier l’esthétique post-apocalyptique à la Terminator.

Ce quatrième maxi de sa série orientée vers les dancefloors est certainement l’un de ses travaux les plus lumineux et définitivement les plus dansants. Constellés dans un magnifique labyrinthe, on y retrouve certains motifs musicaux de la culture club, comme cette mélodie de percussions baladeuse typique de la dance des années 90 sur « Theme From Q » ou ces drums breakés façon Amen Break ou « Plastic Dreams » de Jay Dee. Mais cet EP rend hommage à une culture club plus précise, celle qu’il a expérimentée lors de ses nuits au Basement Q, défunte boîte de nuit berlinoise du quartier de Schöneberg dont il a condensé l’ambiance en 17 minutes. TJ Hertz, de son vrai nom, raconte : « C’était un endroit génial où tu perdais toute notion de sens. Ton cerveau ne donnait aucune explication valide quant à ce que tes yeux percevaient de ce fantastique bordel sonore. Au même moment, ce vieux et fabuleux public de 40 ou 60 personnes érodé par les raves se lâchait graduellement, les pieds collés au sol mais le corps voltigeant dans tous les sens comme pris dans un ouragan. Il n’y avait ça nulle part ailleurs. »
« Ton cerveau ne donnait aucune explication valide quant à ce que tes yeux percevaient de ce fantastique bordel sonore. »
Deux tracks seulement, de plus de sept et neuf minutes qu’on ne voit s’écouler, et qui donnent presque l’illusion d’écouter un album tant ça fourmille : Hertz n’est pas du genre fainéant, à se contenter de n’essorer qu’une seule idée. D’ailleurs, il nous aura fallu plusieurs écoutes avant de véritablement s’approprier ce château de complexité. Et une fois cela fait, nous n’eûmes rien à redire. Exigeantes, ses productions versent toujours dans la hi-def, ce qui met quelque part en exergue son côté boulimique de nouvelles musiques (voire carrément bordélique) qui transparaît dans ses DJ sets, où le garçon ne prend parfois même pas la peine de noter le nom du track qui lui plaît : « some banging acid techno tune on black sun records », peut-on lire dans la tracklist de son mix sur SoundCloud. Quelle insolence. Immédiatement pardonnée dès lors qu’on sait que le garçon refuse systématiquement d’apparaître sur les programmations affichant moins de 15% de noms féminins. Alors c’est ça la perfection ?
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Objekt – Objekt #4
White label
Date de sortie : 27 mars 2017
Cat : OBJEKT004
Juno / Boomkat
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