Et si c’était ça le rock du futur ?
C’est un pote qui m’a filé ce disque. Je l’ai écouté un paquet de fois, simplement parce que le disque s’est révélé être tout ce que j’aime. Un savant mélange d’énergie, de genres musicaux différents qui se croisent pour conclure sur une sacrée explosion musicale. À la croisée des mondes entre musique électronique et rock, le premier album du duo franco-anglais DBFC est un véritable disque « pop » au sens positif du terme. Déjà, avec leur premier EP Leave My Room de 2014, les deux garçons proposaient quelque chose de novateur, rappelant les sorties de DFA (label du leader de LCD Soundsystem, James Murphy) et autres mélanges electro-rock de qualité. Avec les dix titres de Jenks, le grand ami de Jennifer Cardini, David Shaw, et son acolyte Bertrand Lacombe aka Dombrance réussissent à nous entrainer dans les dédales d’un labyrinthe qui confond à la fois disco, rock psychédélique et pop électrique à l’intérieur de morceaux suffisamment progressifs pour être joués en club à 4h du matin.
Il y a quelque temps, j’ai entendu parler de « slow listening », pratique qui consiste à se poser pour écouter un album en entier… Or, si ce disque est façonné de façon à ce qu’on y remue violemment les hanches, qu’on aime le rock ou la musique électronique, l’album doit être écouté de A à Z car l’on y raconte une histoire. Une histoire de grosses cylindrées, de bières frelatées, de gonzesses à la dérive sur la route 66… Je pourrais continuer longtemps tant les références à l’americana sont nombreuses. Mais une histoire de destinée aussi, car nous détenons là un album très spontané, vivant et frais : « Il n’y a pas de réflexion sur ce que l’on va faire, pas de volonté préméditée, m’explique David en interview. Si le morceau sort ainsi, c’est qu’il devait sortir ainsi. » En studio, c’est le bazar, ça touche à tout, ça expérimente en totale roue libre. « On est dans la culture de l’accident », continue David.
On est dans la culture de l’accident.
Je me souviens, pendant l’écoute de l’album, qu’au bout d’un moment j’ai fini par faire des ponts entre notre duo et le groupe Django Django, pour l’énergie rock arrangée par l’électronique. Par cette transcendance des genres, DBFC atteint avec Jenks une couleur pop nouvelle, capable d’être écouté partout, tout le temps : « Nous n’avons pas la prétention de dire que nous faisons du rock ou de la dance music. Nous ne cherchons pas non plus à être cool, mais plutôt à faire rentrer le public en transe. C’est cet état là qu’on aime, qu’on entretient dans nos morceaux et qu’on veut faire partager au public, y compris en live. »
Et lorsque je gratte un peu les raisons de la genèse du projet DBFC, ils me répondent que c’était parce que le moment était venu, naturellement. Ils se sont rencontrés, ils avaient envie de le faire, ils l’ont fait, point barre. Destinée, je vous dis. D’ailleurs, ils m’ont bien fait comprendre qu’être deux derrière les machines ne les emmerde pas le moins du monde et qu’il y a bien plus qu’une simple relation professionnelle entre eux : « C’est aliénant d’être seul. À deux, chacun valide ce que fait l’autre et ça marche mieux qu’à plusieurs. On va plus loin, plus vite. Entre nous, c’est fluide, on est tout le temps d’accord. C’est fou à quel point ça marche. »
Pour David, le disque est construit sous forme de scénettes. Par exemple, le titre « Bad River » serait une drogue que tu pourrais prendre dans ce club nommé « Jenks ». À réécouter l’album une énième fois, je me mets à imaginer le groupe dans une scène de Star Wars. Non, pas celle à laquelle vous pensez mais celle de l’épisode II, où Anakin et Obiwan poursuivent un assassin qui se cache dans un bar après avoir tenté d’assassiner Padmé Amidala. Ici se croisent des aliens, des robots, des humains dans une sorte de club où joue un groupe et où les clients boivent des coups tout en faisant des paris. Pendant la traque, un homme tente de vendre à Obiwan des « bâtons de la mort », et tout le monde a compris de quoi il s’agit, égratignant au passage l’image populaire des établissements de nuit. Bref, voilà l’image que j’ai de ce disque, un club du futur un peu crâde où plein de gen(re)s se mélangent.
Nous ne cherchons pas à être cool mais à faire rentrer le public en transe.
Jenks est donc bien un objet pour dancefloor mais qui ne laisse pas pour autant le perfecto clouté à la maison. Il n’y a qu’à voir leur processus d’écriture des paroles pour comprendre que l’esprit du rock’n’roll n’est jamais parti : « Ce qui est important, c’est de rester simple et juste, sans être bête pour autant. Iggy Pop faisait des chansons avec trois phrases, pas plus. C’est aussi ce qu’on a voulu faire avec les paroles, se faire comprendre tout en servant la musique. » Néanmoins – et comme c’est plusieurs fois le cas sur l’album –, le groupe n’exclut pas de composer des tracks purement instrumentaux. Encore une fois, s’il y a des paroles sur certains, c’est que cela devait se faire ainsi : « Bertrand et moi adorons chanter. Je trouve que nous avons un grain et un timbre qui marchent bien ensemble. On aime le rapport émotionnel entre le chant et la musique électronique. Le bon chant avec la bonne instrumentation permet de créer un morceau parfait. Chanter est libérateur. »
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Jenks de DBFC, disponible maintenant sur le store de Different Recordings
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