Évitons de prendre à la légère une jeune artiste qui vient de signer chez Because.
Ta-Ra. Je me souviens, c’était en 2016 et son nom s’écrivait alors Ta-Ha, avec un « h ». Je m’en souviens parce qu’à l’époque, dans mon entourage, on en parlait tout le temps. Dès que je passais une de ses chansons en soirée on me demandait qui chantait. Je savais qu’on tenait un truc avec cette fille-là et je n’étais pas le seul. Elle avait été mentionnée dans The Fader, un grand média musical américain, comme l’un des 25 artistes underground à suivre. J’étais impressionné. Et j’étais un peu fier aussi parce que j’avais découvert cette jeune fille de 26 ans originaire de Bondy, en banlieue parisienne, peu de temps avant cet article qui a eu un effet boule de neige sur sa notoriété. On a commencé à l’étiqueter « jeune papesse du RnB alternatif » ou de nouvel espoir du genre en France, et c’est aussi ce que j’en pensais. J’ai eu l’occasion de la rencontrer, je voulais en savoir plus parce qu’on ne trouvait pas grand chose sur elle encore, juste qu’elle avait d’autres alias (Senshi1992, Tuareg Shawty, tous disparus au profit de Ta-Ra), que son esthétique très Internet et vaporwave matchait bien avec ses productions de cloud rap à la PNL et que son EP qui avait tout déclenché, Tuareg Shawty, je l’écoutais en boucle parce qu’il avait sur moi un effet détente longue durée fascinant. Il y avait un track qui se détachait des autres, son « tube » « Lil Bit ». Il était produit par un Français, pas Myth Syzer qui a aussi bossé avec elle, mais NxxxxxS (prononcez N five XS) et on le retrouve logiquement trois ans plus tard sur sa nouvelle mixtape Rare1 et on est content.
Content parce que je ne vois pas comment on peut se lasser de ce RnB vaporeux, ouateux, aérien et du chant de cette fille plein de belles modulations vocales, souples, glissantes comme du savon. Tout est agréable dans la musique de Ta-Ra, tout est joli, tout paraît tomber parfaitement, y compris sa démarche créative, DIY à la limite du control freak, qui consistait au début à contacter sur SoundCloud des beatmakers pour qu’ils lui en filent et qu’elle puisse chanter dessus. Facile. Il y a trois ans ça marchait, gonflé un peu par l’effet de nouveauté mais on sentait que ça marchait aussi parce qu’il y avait une prise de risque quand elle chantait en japonais (pour l’anecdote, elle y habitait à cette époque, elle y donnait des cours d’anglais). On sentait aussi une prise de risque dans les sonorités arabes qu’elle insérait, clin d’œil à ses origines. Mais avec cette mixtape aujourd’hui – une mixtape tout à fait agréable qu’on se le dise bien – j’ai un peu de mal à isoler les morceaux, à les trier, à la dissocier les uns des autres ; j’ai du mal, je crois, à ne pas les percevoir comme une sorte de tunnel musical parce qu’ils se ressemblent un peu tous, autant qu’ils sont tous de très bonne facture.
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Rare1 est disponible sur toutes les plates-formes de streaming.
Chronique parue dans l’émission « Chaos sur le ring » du 5 mars 2019 sur Radio Néo.
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